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Similitudes
3 juin 2007

Fin, début

Simili a seize ans. Elle va mieux. Sa vie devient presque belle. Presque agréable. Presque saine. Presque normale.

16 décembre 1999. Six heures du matin.

« Réveille-toi, Simili. Elle est partie. On y va. »

Son cœur se déchire mais bizarrement elle ne pleure pas. Torpeur. Vide. Elle s’y attendait. Elle n’avait pas voulu se l’avouer, mais au fond, elle savait que ça arriverait.

Mais si vite… Elle n’a pas pu lui dire au revoir. La dernière chose qu’elle lui a dite, c’est qu’elle n’avait pas le droit de mourir. Qu’elle devait connaître ses arrière-petits-enfants. Elle n’avait pas le droit de mourir. Pitié, ne meurs pas !

« Simili, il faut que tu te lèves. »

Elles se regardent et s’effondrent dans les bras l’une de l’autre. Elles sont seules, maintenant. Les requins sont lâchés. Elle n’est plus là pour les tenir. Elles ne le savent pas encore. Elles ne sont pas au bout de leurs surprises.

« Qu’est-ce qu’on va faire sans elle, maman ? »

« Continuer de vivre. Continuer malgré tout. Elle n’est plus là mais elle reste en nous. C’est un ange, maintenant. »

Un ange… Si elle voyait ce qu’ils ont fait d’où elle se trouve maintenant, elle se couperait les ailes. Elle les maudirait jusqu’à la fin des temps. Elle se ferait suppôt de Satan pour les expédier en enfer.

Douze heures de route pour rejoindre les maudits. Ces maudits dont elles partagent les gènes.

Soirée glauque. Silencieuse. Triste. Manger sans appétit, faire comme s’ils étaient unis et que tout allait bien se passer.

Mais elle est partie et a tout emmené avec elle. L’esprit de la famille. Le respect. L’amour.

L’église est trop grande. Trop grise. Trop froide. Elle est trop seule dans ce cercueil trop grand pour elle. Simili parle. Elle a du mal à distinguer son texte à travers ses larmes mais elle le lit jusqu’au bout. Elle lui doit bien ça. Elle lui doit tant.

Elle a choisi d’être incinérée. Pour ensuite retrouver la mer devant laquelle elle est née. Nous naissons eau et nous redeviendrons eau.

Simili ne supporte pas ce manège malsain, cette manie qu’ont les vieux de reluquer la mort, avec curiosité. Pas de respect pour elle. Elle n’aurait pas voulu qu’on la voie ainsi. Si maigre. Si déplumée. Elle était si pleine de vie. Elle s’est battue contre la mort jusqu’au bout, et cette pute, mauvaise joueuse, l’humilie maintenant qu’elle l’a vaincue.

La famille proche a le droit de la regarder se faire enfourner. Quel honneur. Pendant ce temps, les vieux se gavent de café et de gâteaux dans la pièce d’à côté. C’est tellement surréaliste. Elle est morte, fêtons ça autour d’un petit four !

Bande d’hypocrites. Bande de cons.

19 décembre. Elle est née eau, elle redevient eau. Plomodiern. Berceau et caveau de l’ange déchu, déçu. Au fond elle est certainement beaucoup plus heureuse ici qu’avec lui, même si elle est là à cause de lui. Elle ne lui en veut probablement pas. Mais Simili, elle, n’oubliera pas.

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